Qualité de l’air intérieur
A la différence de la pollution de l’air extérieur, plus médiatisée, celle de l’air intérieur est restée relativement méconnue jusqu’au début des années 2000. Pourtant, nous passons en moyenne, en climat tempéré, 85 % de notre temps dans des environnements clos, et une majorité de ce temps dans l’habitat : domicile, locaux de travail ou destinés à recevoir du public, moyens de transport, dans lesquels nous pouvons être exposés à de nombreux polluants. La nature de ces polluants dépend notamment des caractéristiques du bâti, des activités et des comportements (tabac, bricolage, peinture, etc.) et ces polluants peuvent avoir des effets sur la santé et le bien-être. La qualité de l’air intérieur fait donc l’objet de préoccupations depuis plusieurs années et apparaît aujourd’hui comme un enjeu majeur de santé publique.
Nous passons, en climat tempéré, en moyenne 85 % de notre temps dans des environnements clos, et une majorité de ce temps dans l’habitat : domicile, locaux de travail ou destinés à recevoir du public, moyens de transport, dans lesquels nous pouvons être exposés à de nombreux polluants, notamment des :
- polluants chimiques : composés organiques volatils (COV), oxydes d’azote (NOx), monoxyde de carbone (CO), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), phtalates, etc. ;
- bio contaminants : moisissures, allergènes domestiques provenant d‘acariens, d’animaux domestiques et de blattes, pollens, etc. ;
- polluants physiques : particules et fibres (amiante, fibres minérales artificielles), etc.
La présence de ces polluants est issue de différentes sources d’émission : constituants du bâtiment, du mobilier, appareils de combustion (chaudières, poêles, chauffe-eau, etc.), transfert de la pollution extérieure, mais dépend également des modes de vie (tabagisme ou présence d’animaux domestiques par exemple).
La qualité de l'air que nous respirons peut avoir des effets sur la santé et le bien-être, depuis la simple gêne (olfactive, somnolence, irritation des yeux et de la peau) jusqu'à l’apparition ou l'aggravation de pathologies aigues ou chroniques : allergies respiratoires, asthme, cancer, intoxication mortelle ou invalidante, etc.
Depuis quelques années, une attention croissante est donc portée à ce sujet, en témoigne la création par les pouvoirs publics, en 2001, de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI).
Les travaux de l’Agence
L’Agence s’est investie dans le domaine de la qualité de l’air intérieur dès 2004, notamment au travers de ses activités d’expertise. Une collaboration étroite avec l’OQAI existe depuis. L’Agence participe notamment au conseil de surveillance et au conseil scientifique de l’OQAI.
Une collaboration autour de la connaissance de la qualité de l’air intérieur
Des campagnes nationales de mesures sont réalisées par l’OQAI s’intéressant à différents environnement spécifiques :
- les logements français : un premier état de la qualité de l’air intérieur a été dressé en 2006 avec la publication des résultats de la campagne nationale réalisée entre 2003 et 2005 mesurant plus de 30 paramètres de pollution à l’intérieur du logement. Une seconde campagne nationale relative aux logements sera lancée par l’OQAI en 2018-2019 ;
- les écoles maternelles et élémentaires ;
- les immeubles de bureaux.
Ces campagnes apportent à l’Agence des informations essentielles pour ses travaux d’évaluation de risques sanitaires.
Les valeurs guides de qualité d’air intérieur (VGAI)
Pour faire face à l’enjeu sanitaire que représente la qualité de l’air intérieur et apporter aux pouvoirs publics des éléments utiles à la gestion de ce risque, l’Anses réalise depuis 10 ans des travaux d’expertise sur l’élaboration de valeurs guides de qualité d’air intérieur (VGAI), fondées exclusivement sur des critères sanitaires. Ces valeurs visent à préserver la population générale de tout effet néfaste lié à l’exposition à une substance via l’air. Ces valeurs constituent le socle scientifique utilisé par les pouvoirs publics pour fixer des valeurs réglementaires de surveillance de la qualité de l’air intérieur.
Une dizaine de polluants chimiques, principalement des composés organiques volatils (COV), ont été étudiés sur les dix années d’expertise écoulées : formaldéhyde (2007 et mise à jour en 2018), monoxyde de carbone (2007), benzène (2008), naphtalène (2009), trichloroéthylène (2009), particules (2010), perchloroéthylène (2010), acide cyanhydrique (2011), dioxyde d’azote (2013), acroléine (2013), acétaldéhyde (2014), éthylbenzène (2016), toluène (en cours – prévu en 2018).
La réduction des émissions de polluants à leur source
Les matériaux de construction, les produits de décoration et les meubles sont régulièrement cités comme des sources potentielles de pollution des environnements intérieurs du fait de leurs émissions en substances volatiles, voire semi-volatiles. Des premiers travaux ont été réalisés sur les matériaux de construction et produits de décoration par l’Anses.
Une procédure permettant de valoriser les matériaux « faiblement émissifs » sur la base d’essais normalisés des émissions de composés organiques volatils a été proposée. Ces travaux ont conduit à l’étiquetage obligatoire depuis 2013 des produits vendus en France. Dans la continuité de ces travaux, et dans un contexte d'élaboration de la réglementation applicable aux meubles, l’Anses a travaillé à l’identification puis à la sélection des substances chimiques prioritaires émises par les produits d’ameublement, qui pourraient à l’avenir également faire l’objet d’un étiquetage.
Le coût de la pollution de l’air intérieur
L’Agence a également réalisé une étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur, en lien avec un professeur d'économie de l’Université Sorbonne Panthéon I, et l’OQAI. S’il existe plusieurs études de ce type sur la pollution atmosphérique, il s’agit de la première sur les polluants de l’air intérieur au niveau français (moins d’une dizaine au niveau international). Cette étude a estimé à environ 19 milliards d’euros pour une année le coût de la pollution de l’air intérieur. Cette étude illustre les conséquences de cette pollution pour la collectivité, correspondant aux coûts de l’impact sanitaire généré par les 6 polluants retenus (coût estimé des décès prématurés, coût estimé de la prise en charge des soins, coût estimé des pertes de productions, etc.).
Expositions aux moisissures dans les bâtiments
L’Anses a été saisie par les ministères chargés de la santé et de l’environnement afin de conduire une expertise sur la problématique du développement des moisissures et la production associée de mycotoxines dans les bâtis. Elle a ainsi réalisé un état des connaissances des effets sur la santé liés aux moisissures et des méthodes de mesure dans l’air intérieur, les poussières déposées au sol et les matériaux.
L’expertise menée par l’Agence confirme l’existence d’effets avérés sur la santé respiratoire liés à l’exposition aux moisissures. Ces effets incluent, d’une part, le développement et l’exacerbation de l’asthme chez les enfants et les adultes exposés sur leur lieu de travail et, d’autre part, la rhinite allergique.
Ce travail a également montré que certains groupes de population sont davantage susceptibles de développer des pathologies lorsqu’ils sont exposés aux moisissures : les enfants dès leur naissance, les enfants et adultes asthmatiques, les individus prédisposés à développer plus facilement des allergies (sujets atopiques) ou présentant une hypersensibilité, ainsi que les patients immunodéprimés ou atteints de pathologies respiratoires chroniques. Sont également concernées les populations potentiellement surexposées du fait de caractéristiques socio-économiques défavorables, comme la précarité énergétique ou une sur-occupation du logement.
Selon l’expertise, l’exposition aux moisissures dans les environnements intérieurs concerne une part importante des logements : entre 14 et 20% de logements en France présentent des moisissures visibles. Il existe par ailleurs des variations géographiques des espèces fongiques notamment associées aux caractéristiques météorologiques et climatiques qui peuvent avoir des influences au niveau local.
Dans ce contexte, l’Anses recommande de prévenir le développement des moisissures dans le bâti, d’une part, en renforçant la coordination entre les acteurs des secteurs concernés (construction, énergie, etc.) ainsi qu’entre les autorités et acteurs publics et, d’autre part, en améliorant l’information des occupants des logements.
L’Agence recommande également de prévenir les conséquences sanitaires, notamment pour les populations les plus sensibles, par une évolution de la réglementation prenant mieux en compte le risque lié à l’exposition aux moisissures dans les logements.
Dispositifs émergents d’épuration de l’air intérieur
Ces dernières années, le marché de l'épuration de l'air intérieur s’est développé avec la commercialisation d'équipements revendiquant des propriétés d'épuration de l'air intérieur sous forme d'appareils autonomes, ainsi que des matériaux de construction et de décoration mettant en avant des propriétés dépolluantes. Ces dispositifs et produits sont destinés à l’ensemble de la population, mais peuvent cibler particulièrement les sujets sensibles ou sensibilisés, comme par exemple des personnes asthmatiques ou allergiques. Cependant, la question de leur efficacité, et surtout celle de leur innocuité, est régulièrement posée. L’Anses a donc analysé la littérature scientifique relative aux nouvelles techniques d'épuration de l'air intérieur.
D'une façon générale, les données scientifiques disponibles ne permettent pas de démontrer l’efficacité et l’innocuité en conditions réelles d'utilisation des dispositifs d'épuration de l'air intérieur fonctionnant sur les principes de la catalyse ou photocatalyse, du plasma, de l’ozonation ou de l’ionisation.
L’Agence recommande la mise en place d’une certification des dispositifs d’épuration de l'air intérieur, les essais devant être conduits dans les conditions les plus proches possibles des conditions d'utilisation de ces dispositifs.
Concernant les produits pulvérisables revendiquant une action biocide, l'Anses recommande, lors de l'évaluation de ces produits dans le cadre du processus d’autorisation de mise sur le marché de produits biocides, de porter une attention particulière aux données scientifiques relatives aux effets sanitaires liés à l'inhalation de composés organiques volatils (COV), naturels ou de synthèse, émis par ces sprays. En effet, plusieurs des COV émis par ces dispositifs peuvent avoir des effets nocifs sur la santé.
Des recherches complémentaires sur l'émission de nanoparticules dans l'air par les matériaux photocatalytiques, notamment lors de leur vieillissement, sont également à conduire, ainsi que l'étude de leur innocuité. De plus, l'utilisation de dispositifs d'épuration peut conduire à une dégradation de la qualité de l'air intérieur, certains d’entre eux pouvant former des composés potentiellement plus nocifs que les composés faisant l’objet d’un traitement. Enfin, l'Agence souligne la nécessité de conduire des travaux sur l'impact sanitaire lié à l'usage d'huiles essentielles qui peuvent être présentes dans de multiples produits de consommation courante
L’Agence rappelle que pour réduire l'exposition aux polluants de l'air intérieur, il convient en premier lieu de limiter les émissions à la source et de ventiler les espaces intérieurs des bâtiments.